Des pinceaux et de la colle
par Collages Féministes Lyon
avril 2020
Au début du mois de septembre 2019 cents hommes, conjoint ou ex-conjoint, ont ôté la vie à cent femmes, depuis le début de l’année. Le gouvernement, qui avait déclaré les violences faites aux femmes comme priorité en 2017, organise enfin un grenelle contre les violences conjugales, qui débouchera en 2020 sur des solutions très insuffisantes.
Pour les féministes et les activistes ça n’est pas suffisant, la colère et le chagrin sont trop forts, dans la capitale un mouvement de collage apparaît, rapidement suivi par d’autres villes. A Lyon c’est du côté des facs qu’on réagit d’abord, une poignée d’étudiantes, les premières d’entre nous, se mettent à peindre, à même le sol de leurs studios, et à coller dans les rues de la ville. Des slogans contre les féminicides, dénonçant l’inaction du gouvernement et l’incompétence du système judiciaire, et un compte du nombre de victime qui grossit chaque semaine. Le but est simple : visibiliser les violences faites aux femmes, aux conséquences mortelles, afin d’imposer au regard du public de regarder en face la réalité devant laquelle ils ont détournés le regard trop longtemps, et de forcer les instances à agir. Nous élaborons des phrases aussi dures que les violences sexistes et sexuelles : “Nous ne voulons plus compter nos mortes.”. Très rapidement on a envie de parler d’autres sujets, d’autres oppressions, car pour nous les discriminations sont intrinsèques au système patriarcal et colonial. Au commencement de l’année 2020, pour que notre nom représente plus largement nos luttes, et pour se distancier de certains groupes de collages transphobes, nous devenons Collages Féministes Lyon.
Les différentes vagues féministes depuis le XIXème sont restées orientées vers des problématiques et des visions très occidentales, et ce malgré l’organisation de divers mouvements féministes aux quatre coins du monde. Depuis le déferlement Me-too, initialement lancé par l’activiste afro-américaine Tarana Burke, sur les réseaux sociaux et dans les médias, l’intersectionnalité du féminisme s’impose comme évidente et essentielle. En effet l’avènement mondial de l’accès à Internet a permis à toustes les activistes de prendre conscience que les oppressions prennent des formes multiples et que certaines personnes subissent des violences particulières, car à l’intersectionnalité des différentes oppressions dont elles sont victimes. Ce dialogue permet à toustes, petit à petit, de réaliser qu’une partie de l’humanité ne peut pas définir seule les revendications d’une lutte, et les imposer aux autres, au risque qu’elle devienne à son tour une forme de domination.
L’observation des sociétés actuelles permet de comprendre que la racine commune à toutes ces oppressions est le Patriarcat blanc, qui a défini les caractéristiques de l’identité dominante et mis en place les systèmes d’oppression pour tout ce qui diverge de cette identité. C’est pourquoi aujourd’hui le féminisme ne se borne plus à se préoccuper uniquement de la situation des femmes cis, ni à rechercher l'égalité avec la norme dominante, l’égalité n’étant atteignable qu’avec le même point de départ pour toustes et les mêmes besoins, mais bien à s’attaquer au patriarcat en place et à déconstruire tous les systèmes de pensées oppressifs nés de cette domination, en incluant l’intersectionnalité et l’inclusivité dans cette nouvelle définition du féminisme.
Pour le Collectif Collages Féministes il n’existe pas de hiérarchie entre le racisme, le sexisme le validisme, l'âgisme, le classicisme, et les LGBTIphobie, car de chacune de ces oppressions découlent des souffrances qui nous sont intolérables. C’est pourquoi dans nos collages nous modifions la devise française, pour qu’elle corresponde à nos valeurs : Liberté, Équité, Adelphité. Liberté d’agir sans contrainte physique ou morale, équité de répartition pour corriger les inégalités, adelphité entre toustes sans distinction de genre.