Communal Anarchy (1886)
par Rosenklippe
mars 2020
Dyer D. Lum (1839-1893) était un anarchiste mutuelliste actif aux Etats-Unis principalement durant les années 1880. Ses idées politiques ont été qualifiées comme étant au croisement de l’individualisme des « anarchistes de Boston » (Benjamin Tucker, Lysander Spooner…) et de l’anarcho-syndicalisme, révolutionnaire voire insurectionniste des « anarchistes de Chicago ».
Il développe ses idées dans leur plus grande étendue dans son ouvrage « The Economics of Anarchy : A study of the industrial Type » (1890). Compagnon pendant un temps de Voltairine de Cleyre, il a eu une influence certaine sur les idées de cette dernière. Proche des anarchistes exécutés à la suite de l’affaire de Haymarket Square, il a été décrit par l’histoiren Paul Avrich comme un « rebelle intransigeant ». L’article qui suit a été publié dans le journal The Alarm en 1886.
Une distinction a été recherchée entre ce que l’on a dénommé « L’anarchisme mutuelliste » et l’anarchisme communiste, mais c’est une distinction que nous ne reconnaissons pas. L’anarchie, ou la cessation totale de la force gouvernementale, est le principe fondamental sur lequel nous basons tous nos arguments. Le communisme est une question d’administration dans le futur, et doit donc être subordonné et en accord avec les principes de l’anarchie et toutes ses déductions logiques. L’anarchie proclame la souveraineté de l’individu, l’abrogation de toutes les inégalités artificielles, et la fin de l’exercice de la coercition sur les minorités, même si cette minorité ne consiste qu’en un seul individu. Pour sécuriser cette fin, l’Anarchie demande l’abolition de l’Etat. Cela implique la destruction des privilèges actuellement en place et qui sont à l’origine de notre discorde sociale. Abolir l’Etat, c’est détruire d’un coup le privilège exclusif. Avec la chute de sa justification et protection légale, la propriété cesse d’être une bête vorace et se transforme en un auxiliaire domestique utile à l’effort individuel. Le gouvernement n’existe que pour la protection des privilèges que ses lois confèrent à la propriété.
L’anarchie étant notre principe fondamental, aucun des schémas d’administration sociale que nous pourrions préconiser ne doivent y être contraires. En utilisant le mot communisme, par conséquent, nous n’entendons restreindre en rien les droits de l’individu. Mais pourquoi utiliser ce mot ? il pourrait être demandé. Pour cette raison : en parlant de l’individu, nous pensons que l’Anarchie est un principe suffisamment englobant ; mais en parlant de la société dans ses formes associatives, avec la formation de groupes à des fins de production et de distribution, nous préférons utiliser ce vieux terme, et, en l’associant au qualificatif « Anarchie », le sauver de l’abus dans lequel il est tombé.
Chaque rédacteur de The Alarm est responsable de ses propres articles, mais en leur dotant d’un espace éditorial, ils deviennent représentants des principes inculqués par ce journal. Nous déclarons par conséquent que The Alarm ne plaide en faveur de l’institution d’aucun système où le droit individuel pourrait être envahi. Nous demandons l’abolition de la sanction légale de la propriété, croyant que la destruction du privilège exclusif à la revendication de produits à des fins spéculatives laissera la propriété communale. Nous reconnaissons le droit de chacun de posséder le produit de son propre travail ; il peut fabriquer une machine s’il le souhaite et l’appeler sa « propriété privée » et personne ne peut s’y opposer, car sous l’anarchie communale, sa revendication n’entraînerait aucune atteinte aux droits des autres. Lorsque la revendication à la propriété n’a aucune sanction légale, elle devient inoffensive. En attaquant la propriété privée, nous combattons la légalisation du privilège. En utilisant le mot Etat, nous faisons référence à toute source présumée d’autorité et considérons le principe comme aussi efficace dans les Communes Sociales de l’avenir que dans la république politique actuelle.
En bref, le seul usage de la force, de quelque manière que ce soit, qu’un anarchiste puisse justifier est celui utilisé pour obtenir et défendre ses droits naturels en tant qu’individu. L’anarchie communale rejette tous les « droits divins » présumés sur l’autorité de l’homme sur l’homme, qu’elle soit revendiquée par un monarque, un prêtre ou la majorité du peuple. La destruction du privilège est notre seul objet.