Le mouvement anarchiste mondial au Chili
par Crabouibouif
mars 2020
Les récents évenements au Chili, Brésil et Colombie démontrent une contestation populaire au libéralisme au Sud des Amériques. Il ne fait aucun doute que l’anarchisme en est un acteur majeur. La réalisation de cet article qui fait suite à celui sur les USA (voir le numéro 2 de La Bouche de Fer), a été réalisée avec l’aide du témoignage de Roby, camarade Chilien,youtuber et militant anarchiste. Je le remercie donc pour son aide. Ce court article revient rapidement sur les facteurs d’évolution du mouvement anarchiste Chilien
Le cas du Chili
Depuis 1 an de multiples manifestations de masse apparaissent au Chili, toujours plus violentes et radicales. Des militants de tous bords agissent activement contre le gouvernement en place et sont largement soutenus par le reste de la population (75% des Chiliens soutenaient le mouvement après 24 jours de manifestations). Parallèlement, une résistance anarchiste et communiste s’est évidemment formée. Là-bas le peuple indigène joue un rôle majeur dans l’organisation des manifestations et des combats. On verra sur le terrain l’usage intensif, par les manifestants, des feux d’artifice contre la police, utilisés comme des rockets. Le Chili avait déjà connu des émeutes anarchistes violentes en 2012, mais aujourd’hui une grande partie de la population s’y est joint.
Ainsi l’anarchisme reprend racine à l’arrière comme au-devant des récentes confrontations notamment à travers l’établissement de groupes de liaison et de coordination. Leurs actions récentes restent peu médiatisées et il est donc difficile d’y dégager quelque chose. Néanmoins cette contestation est clairement positive pour le mouvement anarchiste Chilien au regard du contexte historique du pays en lui-même qui a fait face à une dictature fasciste.
En ce qui concerne les acteurs actuels du mouvement anarchiste, il m’est difficile de faire ressortir des organisations en particulier. En 1973 des groupes tels que l’ « Unique Center of Workers » - UCT (libertaire) créé en 1953 ou le « National Unitarian Movement of Workers » - MUNT (anarcho-syndicaliste) de 1950 sont dissous et réprimés en 1973 par le coup d’Etat et la dictature d’Augusto Pinochet (fasciste).
Depuis 1990, une multitude de groupes à travers le pays font irruption comme le FEL (Front of Libertarian Students) aux abords des manifestations, universités et centres sociaux. L’IWW, minoritaire, reste présent parce que le principal courant libertaire chilien du 21ème siècle est plate-formiste et se développe de façon traditionnelle et habituelle, dans les universités.
De plus, on voit une tendance se dessiner au travers des récentes mobilisations, à l’image des US, le mouvement s’inscrit dans une démarche autonomiste. C’est-à-dire que des groupes sont formés spontanément, s’organisent en petit comité majoritairement sur les réseaux sociaux (facebook ou whatsapp) pour se rassembler et préparer les prochaines manifestations. Il est ainsi commun de tomber sur des « ACAB » tagués par-ci, par-là.
Par sa forme décentralisée et dispersée, le mouvement ne peut pas collaborer nationalement avec de grands groupes militants. En plus de cela les anarchistes font parfois face aux maoïstes, jeunesses et partis communistes lors de divers évènements. Considérés comme des « délinquants », les anarchistes n’ont aucun soutien médiatique et ont même été considéré comme des « criminels » au regard de la loi. La pression et la répression sont importantes et permettent aux opposants idéologiques de gagner du terrain.
Il est toutefois vrai que les récentes mobilisations rassemblent toutes sortes de militants de tous types de milieu. Il y est donc possible d’y voir drapeau noir, Chilien et Mapuche (peuple indigène).
Concernant les acteurs idéologiques du mouvement, ils seraient peut-être intéressants de jeter un œil au travail de Manuel Rojas, auteur, poète et journaliste. Toutefois de nombreux intellectuels ont soutenu le mouvement libertaire avant les années de dictature. Aujourd’hui il est difficile de faire un constat sur ce point.
Nous pouvons donc terminer par dire que le mouvement anarchiste chilien a tout à faire, comme dans beaucoup de pays d’Amérique Latine, les structures anarchiques établies dépendent grandement du contexte territorial. La force de frappe des manifestations est importante mais cela ne fera pas avancer la cause libertaire au niveau national, surtout si celle-ci ne s’inscrit pas dans une démarche syndicale et de prise en charge des moyens de production (via notamment l’autogestion). La population indigène reste toutefois favorable à l’idéal anarchiste dans un sens où les deux alliés méprisent avec une certaine harmonie l’État.