Sur la méthode de formation de l'EANL
par Crabouibouif
janvier 2020
Suivant notre constat que l’encadrement et l'éducation populaire sont les meilleures armes pour avancer l’organisation de notre mouvement, et que cette même organisation est la base fondamentale de toute action visant à la transformation de la société, nous avançons la création d’une « méthode de formation ». Notre objectif n’est pas l’endoctrinement idéologique, mais bien de faire naitre au sein des classes défavorisées, des classes salariales, “travailleuses”, une contestation anarchique remettant en question l’Etat, ses institutions, les élites politico-économiques, le capitalisme. Nous souhaitons ainsi favoriser le travail de masse : travailler avec les masses apolitisées et désaffiliées, et combattre la tentation du repli face à ce travail nécessaire.
Nous considérons que le contexte actuel dans lequel le mouvement anarchiste est plongé - guerres intestines, lifestylisme, hésitations, découragement- ne favorise en rien l’organisation libertaire. Le nécessaire travail de création de zones d’autonomie vis-à-vis de l'état, de champs favorables aux luttes antipolitiques et émancipatoires, est bloqué. En attendant la création de ces fondations, le milieu libertaire doit d’abord se constituer un plan transformatif réel.
Cette constitution passant évidemment par la collaboration avec les classes travailleuses, qu’elles soient politisées ou non, sachant que le potentiel créateur de celles-ci ne réside pas dans une idéologie quelconque mais bien dans leur expérience de vie et de travail même.
Ainsi il n’est pas nécessaire ni même bénéfique pour notre mouvement de se radicaliser par principe, d’adopter une position de “gardiennage” et de puritanisme, et de s’inscrire dans une doctrine exclusiviste, sectaire.
LA « METHODE »
Le formateur
Les populations désaffiliées peuvent nous offrir beaucoup si nous parvenons à nous inscrire dans une réelle relation avec elles. Cela suppose non pas de tomber dans les pratiques élitistes du sermonage, de l’argument d’autorité, du cours dans lequel l’interlocuteur est passif. Il faut bien qu’une réciprocité du militant avec son auditoire s’installe. L'éducation mutuelle, l'échange, sont la clef d’une initiation aux thèses que nous défendons. La mutualisation de la formation la rend plus attrayante d’un côté, et d’un autre la met en phase avec la réalité du terrain, dans lequel le formateur doit tenter de s’intégrer. C’est, sous un certain sens, une boucle auto-apprenante que l’on entend met en place. Les formes de cet échange sont diverses et peuvent être appréciées par chacun selon le contexte ; par exemple, le troc : une formation politique en échange d’une quelconque aide ; ou bien le bénévolat si la personne n’est pas prête à s’engager concrètement. Le « formateur » a un rôle de pivot dans l’évolution du mouvement. Il doit créer un lien entre l’organisation et les masses, un lien qui par ailleurs ne doit pas être celui du tutelage et de l’endoctrinement idéologique, mais celui d’un rapport égal permettant aussi au mouvement de se construire.
Ainsi, ce rôle ne doit pas être réservé aux plus compétents (politiquement parlant par exemple), le processus de formation doit être exercé par un maximum de militant. On préconisera une méthode de « changement de chapeau », de mutualisation et de rotation des tâches, permettant de restreindre la création, conception et écriture des formations par les mêmes protagonistes, favorisant le dynamisme de l’ensemble de l’organisation. Il est ainsi préférable que le formateur puisse proposer des sujets qui lui tiennent à cœur pour qu’il puisse les créer lui-même. Son travail doit évidemment être, ceci dit, base sur le volontariat.
FORMATION « INDIVIDUELLE »
Parallèlement, nous favorisons des formations individuelles composées uniquement du formateur et du sympathisant. Pour permettre une réflexion totale de l’individu et pour ne pas restreindre les paroles d’un plus timide (en groupe). L’échange individuel permet des conversations plus personnelles qu’il serait impossible d’entendre en assemblée générale ou autre rassemblement, permettant de travailler correctement avec l’interlocuteur, et de sympathiser avec lui et son expérience.
ÉDUCATION « ANARCHISTE »
Pour finir nous pouvons donner un « ordre de priorité » sur ce qui doit être réalisé pour mettre en place la méthode de formation libertaire dans le cas d’une formation individuelle.
Premièrement, nous pensons qu’il est favorable de se saisir des idées et des expériences de l’individu, de connaître ses bases. Un individu plus averti commencera donc à partir d’un certain niveau dans la formation, plus élevé qu’un autre, sautant certains points. Ce processus permet simplement de ne pas ennuyer autrui et de ne pas perdre de temps.
Deuxièmement, une « initiation » est primordiale pour contextualiser la formation, pour mettre le sympathisant et le formateur dans le sujet. On peut par exemple rebondir sur des faits historiques/actuels, ou bien énoncer un plan.
Troisièmement, tout au long de la formation le formateur doit essentiellement faire sortir des questionnements, des problématiques qui impliqueront le sympathisant dans la formation en le plaçant au même niveau que le formateur : son avis et ses pensées comptent énormément.
Enfin, terminer une formation, même en cours de route, nécessite de faire ressortir chez le sympathisant un questionnement sur la société, ou sur lui-même, le poussant donc à remettre en question l’ordre des choses, mais a aussi vouloir continuer ces formations et donc faire perdurer un lien.